Page:Rabelais - Pantagruel, ca 1530.djvu/96

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peines de purgatoire. À tout le moins priez dieu qu’il me doint mon mal en patience. Panurge n’eut pas achevé ce mot, que tous les chiens qui estoient en l’esglise ne s’en vinssent à ceste dame pour l’odeur des drogues qu’il avoit espandues sur elle, petitz et grans, gros et menuz tous y venoient tirant le membre et la sentant et pissant partout sur elle. Et Panurge les chassa quelque peu et print congié d’elle, et s’en alla en quelque chapelle pour veoir le deduyt : car ces villains chiens la conchioent toute et compissoient tout ses habillemens, tantq u’il y eut ung grand levrier qui luy pissa sur la teste et luy culletoit son collet par derriere, les aultres aux manches, les aultres à la crope : et les petitz culletoient ses patins. En sorte que toutes les femmes de là autour avoient beaucoup affaire à la saulver. Et Panurge de rire, dist à quelqu’ung des seigneurs de la ville. Ie croy que ceste dame là est en chaleur, ou bien que quelque levrier l’a couverte fraischement. Et quand il veit que tous les chiens grondoient bien à l’entour d’elle comme ilz font autour d’une chienne chaulde, il s’en partit, et alla querir Pantagruel, et par toutes les rues où il trouvoit des chiens, il leur bailloit ung coup de pied, disant. Et ne yrez vous point à voz compaignons aux nopces, devant devant. Et arrivé au logis dist à Pantagruel, maistre ie vous pry venez veoir tous les chiens de ceste ville qui sont assemblez à l’entour d’une dame la plus belle de ceste ville et la veullent iocqueter. À quoy voulentiers consentit Pantagruel, et veit le mystere qu’il trouva fort beau et nouveau. Mais le bon fut à la procession : car il se trouva plus de six cens chiens à l’entour d’elle, qui lui faisoient muille hayres : et partout où elle passoit les chiens