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Page:Rabelais marty-laveaux 02.djvu/131

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chapitre xxv

miliairement auecques luy confera de ſon affaire. De première venue Her Trippa le reguardant en face diſt. Tu as la metopoſcopie & phyſionomie d’vn coqu. Ie diz coqu ſcandalé & diffamé. Puys conſyderant la main dextre de Panurge en tous endroictz, diſt. Ce faulx traict que ie voy icy au deſſus du mons Iouis, oncques ne feut qu’en la main d’vn coqu. Puys auecques vn ſtyle feiſt haſtiuement certain nombre de poinctz diuers, les accoubla par Geomantie, & diſt. Plus vraye n’eſt la vérité, qu’il eſt certain que ſeras coqu, bien toſt apres que ſeras marié. Cela faict, demanda à Panurge l’horoſcope de ſa natiuité. Panurge luy ayant baillé, il fabrica promptement ſa maiſon du ciel en toutes ſes parties, & conſyderant l’aſſiete, & les aſpectz en leurs triplicitez, ieſta vn grand ſouſpir, & diſt. I’auois ia prædict apertement que tu ſerois coqu, à cela tu ne pouoys faillir : icy i’en ay d’abondant aſceurance nouuelle. Et te afferme que tu ſeras coqu. D’aduentaige ſeras de ta femme battu, & d’elle ſeras deſrobbé. Car ie trouue la ſeptieſme maiſon en aſpectz tous malings, & en batterie de tous ſignes portans cornes, comme Aries, Taurus, Capricorne, & aultres. En la quarte ie trouue decadence de Iouis, enſemble aſpect tetragone de Saturne, aſſocié de Mercure. Tu ſeras bien poyuré, home de bien.

Ie ſeray (reſpondit Panurge) tes fortes fiebures quartaines, vieulx fol ſot mal plaiſant que tu es. Quand tous coqus s’aſſembleront, tu porteras la baniere[1]. Mais dont me vient ce Cyron icy entre ces deux doigtz ? Cela diſoit tirant droict vers Her Trippa les deux premiers doigtz ouuers en forme de deux cornes, & fermant on poing tous les aultres. Puys dict à Epiſtemon. Voyez cy le vray Ollus de Mar-

  1. Tu porteras la baniere. « Rabelais pensait-il, dit Burgaud des Marets, à un usage qui s’est maintenu dans le pays messin, et qui a pu être plus général autrefois ? Le 23 juin, veille de la Saint-Jean, s’il faut eu croire un écrivain du Jura, on y fait une procession de maris trompés ; le plus recommandable de la confrérie y porte une bannière jaune, surmontée d’un bois de cerf. » (V. Mémoires de la Sociécé des Antiquaires, t. IV, p. 378). M. Puymaigre, dans le compte rendu, d’ailleurs très favorable, de la 2e édition de ce commentaire, a fait bonne justice de cette fable. Cet usage, dit-il, est « tout à fait inconnu dans le pays messin, et nous n’en retrouvons nulle part trace dans le passé de cette contrée. » (Revue critique, 1874, 2e sem., p. 263)