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le tiers livre

gruelion, tant verde & crude, que conficte & præparée.

L’herbe Pantagruelion a racine petite, durette, rondelette, finante en poincte obtuſe, blanche, à peu de fillamens, & ne profonde en terre plus d’vne coubtée. De la racine procede vn tige vnicque, rond, ferulacée, verd au dehors, blanchiſſant au dedans : concaue, comme le tige de Smyrnium, Olus atrum, Febues, & Gentiane : ligneux, droict, friable, crenelé quelque peu à forme de columnes legierement ſtriées : plein de fibres, es quelles conſiſte toute la dignité de l’herbe, meſmement en la partie dicte Meſa, comme moyene, & celle qui eſt dicte Mylaſea. Haulteur d’icelluy communement eſt de cinq à ſix pieds. Aulcunes foys excede la haulteur d’vne lance. Sçauoir eſt, quand il rencontre terrouoir doulx, vligineux, legier, humide ſans froydure : comme eſt Olone & celluy de Roſea pres Præneſte en Sabinie, & que pluye ne luy deſſault enuiron les Feries des peſcheurs, & Solſtice æſtiual. Et ſurpaſſe la haulteur des arbres, comme vous dictez Dendromalache par l’authorité de Theophraſte[1] : quoy que herbe ſoit par chaſcun an deperiſſante : non arbre en racine, tronc, caudice, & rameaux perdurante. Et du tige ſortent gros & fors rameaux. Les feueilles a longues trois foys plus que larges, verdes tous iours : aſprettes, comme l’Orcanette : durettes, inciſées au tour comme vne faulcille & comme la Betoine : finiſantes en poinctes de Sariſſe Macedonicque, & comme vne lancette dont vſent les Chirurgiens. La figure d’icelle peu eſt differente des feueilles de Freſne & Aigremoine : & tant ſemblable à Eupatoire, que pluſieurs herbiers l’ayant dicte domeſticque, ont dict Eupatoire eſtre Pantagruelion ſauluaginé. Et ſont par

  1. Par l’authorité de Theophraſte. Voyez Histoire des plantes, I, 5. C’est de cet auteur et de Pline que Rabelais tire la plus grande partie de ce qu’il dit dans ce chapitre et dans les suivants.