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Page:Rabelais marty-laveaux 02.djvu/279

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chapitre i

Topiaire. De mode que perſonne n’eſtoit tant triſte, faſché, rechigné, ou melancholicque feuſt, voyre y feuſt Heraclitus le pleurart, qui n’entraſt en ioye nouuelle, & de bonne ratte ne ſoubriſt, voyant ce noble conuoy de nauires en leurs deuiſes : ne diſt que les voyagiers eſtoient tous beuueurs gens de bien : & ne iugeaſt en prognoſtic aſceuré, que le voyage tant de l’aller que du retour ſeroit en alaigreſſe & ſanté perfaict.

En la Thalamege doncques feut l’aſſemblee de tous. Là Pantagruel leurs feiſt vne briefue & ſaincte exhortation toute auctoriſee des propous extraictz de la ſaincte eſcripture, ſus l’argument de nauiguation. Laquelle finie feut hault & clair faicte priere à Dieu, oyans & entendens tous les bourgeoys & citadins de Thalaſſe, qui eſtoient ſus le mole accourruz pour veoir l’embarquement.

Apres l’oraiſon feut melodieuſement chanté le pſaulme du ſainct roy Dauid, lequel commence. Quand Iſrael hors d’Ægypte ſortit[1]. Le pſeaulme paracheué feurent ſus le tillac les tables dreſſees, & viandes promptement apportees. Les Thalaſſiens qui pareillement auoient le pſeaulme ſuſdict chanté, feirent de leurs maiſons force viures & vinage apporter. Tous beurent à eulx. Ils beurent à tous. Ce feut la cauſe pourquoy perſonne de l’aſſemblee oncques par la marine ne rendit ſa guorge, & n’eut perturbation d’eſtomach ne de teſte. Au quelz inconuenient ne euſſent tant commodement obuié, beuuans par quelques iours parauant de l’eaue marine, ou pure, ou miſtionnee auecques le vin, ou vſans de chair de Coings, de eſcorce de Citron, de ius de Grenades aigreſdoulces : ou tenens longue diete : ou ſe couurans l’eſtomach de papier : ou autrement faiſans ce que les folz medicins ordonnent à ceulx qui montent ſus mer.

  1. Quand Iſrael. Ps. 113, traduit en vers par Cl. Marot.