Page:Rabelais ou imitateur - Le Disciple de Pantagruel, éd. Lacroix 1875.djvu/74

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Audict fleuve de laict il y a des anguilles, des lamprois et des gongres qui ont bien une grande lieue de long, aussi blanches que belle neige. Je fis mettre une saulcisse à ung gros hain avec une corde que je fis jecter audict fleuve ; mais il vint incontinent une anguille longue plus de mille toyses, qui avalla hain et saulcisse, parquoy elle demoura prinse et accrochée ; mais il nous falut avoir ung cabesten pour la tirer hors de l’eaue et du fleuve.

Et pour ce faire, nous feusmes tous empeschez, et ne la cuydasmes jamais tirer.

Quand elle fut hors, je la fis escorcher et en fis seicher la peau au soleil, et d’une partie je fis faire des voiles à mon navire, pource que les vieilles estoient fort rompues et cassées pour la tourmente que nous avions eue en divers lieux de la mer.

De l’aultre partie mes gens firent faire des hallecretz et des manteaulx et des cappes à l’espaignolle, et en furent tous revestuz et chaussez, dont bien nous print, car nous en avions tous bon besoing.

Sur lesdictz fleuves n’y avoit aulcuns moulins à vent ny à eaue, car les habitans du pays n’en ont que faire, à cause de ladicte montaigne de farine.

En descendant vers la mer, du long d’iceulx fleuves, tant de laict que de poys coulez au lard, nous trouvasmes une belle et grande champaigne, là où ceulx du pays plantent les œufz à