Page:Rachilde - À mort, 1886.djvu/26

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souffle de passion qui soutenait sa littérature étrange, mais… Ô siècle, voilà de tes coups !… parce que, le sexe de Rachilde n’ayant jamais été suffisamment constaté, on se demandait si elle ne se représentait pas dans la virile Raoule. Rachilde, Raoule, et puis le souvenir de Mendès auréolant le tout… Pardieu !… la plus étonnée était encore Rachilde, elle croyait qu’on ne la lirait pas, elle s’était même un peu suicidée littérairement dans ce livre par défi et par désespoir de sentir que son talent, si elle en avait jamais eu, devait mourir avant elle. Le Gil Blas déclara que c’était là un livre obscène. Sully Prudhomme dit devant quelques-uns « c’est un curieux ouvrage ! » Les femmes en défendirent la lecture à leurs maris, M. Henri Fouquier, sous le pseudonyme de Colombine, hurla que l’auteur qui avait les cheveux jaunes et les yeux verts était un monstre dangereux. Cet homme cravachant la figure d’une femme en prenant d’abord le masque de la femme perverse, Colombine, alors que le pauvre auteur de Monsieur Vénus n’avait ni cheveux jaunes ni yeux verts, fit aller merveilleusement la vente… il corsait la situation d’un Jacques Silvert d’un nouveau genre !… et l’autorité de son talent poussa les badauds aux vitrines des libraires. Rachilde envoya un huissier au Gil Blas ; pour répondre dans le Gil Blas elle dépensa quinze francs soixante-quinze centimes, en l’étude de maître Dablin et… l’affaire demeura suspendue.

Une ère nouvelle commençait pour la petite bohème encore femme du monde. Elle comprit enfin quelle était la place qu’on réservait dans le Paris des lettres aux créatures sans hôtel, sans protecteur et cependant sans préjugé. Elle dépouilla la bonne éducation complètement, trancha de l’Incohérente (avec un grand I), porta le costume d’homme traditionnel, courut les bals publics en compagnie de décadents