Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/101

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nelles luisaient dans la direction de la sacristie, où elle apercevait l’abbé causant avec une dame. Ainsi l’abbé plaisantait, il riait même, s’occupait d’une personne du sexe féminin.

Lui, d’ordinaire si hautain, si calme, marchant auréolé d’un nimbe qui l’empêchait de voir, il riait ! La colère envahit le cerveau de Laure, colère faite d’un ancien désir et d’une récente jalousie. Joséphine, la bonne des Lordès, avait prétendu, tout en adressant des signes d’intelligence à madame, rapport à mademoiselle, que ce jeune prêtre s’émancipait ; il visitait les paroissiennes les moins respectables, vagabondait par la campagne, rassemblait chez lui des loqueteuses pour leur distribuer du pain, et avait poussé la dissipation jusqu’à payer des deniers de l’église le voyage d’une fille-mère au chef-lieu de l’arrondissement. Sa conduite était celle d’un exaspéré. Son ambition déçue, nommé dans une cure modeste où il ne pouvait pas s’offrir les relations mondaines nécessaires à son avancement, ce petit curé-là finirait mal… Et beaucoup d’autres choses transpiraient qu’on n’osait pas dire en présence d’une jeune fille.

Laure se moquait des racontars, mais elle lui reprochait, de son côté, une foule d’impolitesses vraiment calculées, des plus blessantes. Il n’était pas venu chez eux au jour de l’an, n’avait pas remarqué son absence de la sainte table et du confessionnal, et enfin c’était lui, ce lâche, qui l’avait précipitée dans le misérable état où elle croupis-