Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/18

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grondements sourds — qu’on ne s’expliquait pas bien — des voitures attardées. Ce toit de verre dominant la maison était bordé d’un minuscule mur de briques vernies l’isolant des mansardes voisines. Les cheminées environnantes, comme les arbres d’une forêt, se pressaient autour de la surface plane, si unie, si laiteuse, si toujours balayée par tous les vents, lavée par toutes les ondées, qu’on eût dit une glace de ce stuc blanc de nacre dont les Chinois ont le secret et dont ils revêtent certaines pagodes. Et, pour compléter la chinoiserie, le ciel d’un bleu paon s’irisait de nébuleuses, imitant les miroitis de la laque, se parait d’une énorme lune couleur d’or neuf, d’un genre absolument faux. La jeune femme, distraite, respira, cligna des paupières ; ses larmes, déjà oubliées, séchèrent le long de ses joues, et elle s’extasia. Un moment, les cheminées l’amusèrent, car il y en avait de toutes les espèces. Des cheminées coiffées d’un champignon retenu par de minces brides, avec des chapeaux très hauts de forme, avec des nimbes travaillés à jour, dessinant sur l’air pur des images de piété ; des cheminées bonnes vieilles, en paillasson de campagne, en bonnets tuyautés ; des cheminées grandes dames, une flèche d’argent dans un chignon d’ébène ; des cheminées loustics, se terminant en museau de fouine, avec, sur l’oreille, une espèce de casquette à trois ponts ; des cheminées religieuses, auréolées d’une coiffe aux ailes battantes ; puis toutes les grosses che-