Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/281

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toute seule. Souvent, assis sur le palier, il guettait sa rentrée, déjà disposé à des scènes de jalousie parce qu’il avait trop attendu.

— Comment ferons-nous, disait naïvement la jeune femme, quand nous serons trois encore ?

Plus leur intimité devenait profonde, plus l’animal semblait se hausser à une dignité d’homme et se montrait gourmand de sa chair, impérieux dans ses caresses, surtout volontaire dans ses capricieuses fantaisies.

À la Noël, comme il lui avait volé sous ses yeux le pauvre morceau de pâté qu’elle avait acheté pour leur réveillon, elle le gronda, se fit sévère, se rappelant les corrections maternelles de jadis ; elle se saisit du petit balai aux cendres, le menaça, le poursuivit, mais le cynique animal se retourna, les yeux fulgurants, d’un bond énorme lui sauta au visage et elle crut qu’il allait la mordre, lui labourer les joues de ses griffes ; elle cria de peur malgré elle, mais lui, la tenant par le cou de ses deux pattes nerveuses, il se contenta de la lécher sur les paupières qu’elle avait tout de suite baissées. On eût dit que, désirant d’abord la massacrer, il avait réfléchi qu’après tout elle était sa maîtresse, et que, se bornant à lui prouver sa force, il daignait l’épargner pour ce jour-là. Laure fut si attendrie qu’elle pleura. Désormais, chaque fois qu’elle voulut le gronder, il employa le même moyen, se précipita sur elle et demanda pardon, lui faisant tomber les bras d’admiration reconnaissante.