Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/30

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ridicules, la crainte du mal était chez elle tellement intense qu’on l’eût prise pour du remords. Avait-elle vécu trop longtemps au ventre de ses parents… avant de vivre, pour savoir ainsi qu’on peut être coupable sans commettre de crime ? Toute frêle, toute pâlotte, avec ses yeux noirs cernés, ses cheveux roulant en une seule tresse dans son dos comme une énorme couleuvre, elle marchait sur la pointe du pied, regardait par les trous des serrures, se glissait, en toussant, dans la cuisine quand un homme causait avec la bonne, et vous magnétisait de caresses froides jusqu’à ce qu’elle eût obtenu ce qu’elle désirait. Bien élevée, beaucoup trop bien élevée pour sa taille, elle savait qu’il y a des histoires qu’il ne faut point chercher à éclaircir, d’instinct elle détournait les yeux quand une nourrice démaillotait un nourrisson du sexe masculin. Elle était jolie, appréciait ses avantages dès l’âge de sept ans ; le premier compliment qu’elle reçut l’étonna moins que sa première punition. Une fois, elle posa une question bizarre à ses parents. Elle voulut savoir pourquoi le Jésus, sur la croix, portait une ceinture… puisqu’il était mort ? Et s’il y avait des Jésus tout nus dans des églises. Sa mère conta l’histoire à toute la ville, tant elle la trouvait délicieuse. Son père en rigola terme au café, entre vieux messieurs, et laissa suinter, sur ce scabreux sujet, quelques aphorismes de circonstance. — On était bête quand on était petit. — Les filles, malgré tout, étaient plus avan-