Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/313

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glot convulsif, de nouveau se mit à mâcher, découvrant ses dents pleines de bave, et Laure comprit enfin qu’il se passait une chose anormale. Le chat n’était pas blessé, on ne l’avait ni battu, ni poursuivi, ce n’était pas de faim ou d’amour qu’il bramait, il criait de rage !

La chair de la jeune femme se glaça, elle se blottit au fond du lit, ramenant les couvertures à elle, ne voulant plus le voir, fuyant ces prunelles de monstre, ce regard démoniaque la terrorisant, elle un être humain, comme un pauvre petit oiseau transi.

— Mais non, ce n’est pas possible ! songea-t-elle dès qu’elle ne vit plus la hideuse bête. Non ! non ! je ne croirai jamais çà ! Lion, mon cher Lion enragé ! Lui, si doux, si bon…, qui m’aime tant ! Je me trompe… ce sont les chiens qui deviennent enragés ! Il est malade, voilà tout…

D’un geste brusque, elle repoussa les draps, voulut le regarder encore ; c’était stupide d’avoir peur d’un malheureux chat qui miaulait… L’animal, à pas pénibles, saccadés, faisait le tour du lit, rôdait, son poil se hérissant sur son dos comme une crinière. Au moment où Laure se risquait hors des draps, il retrouva toute son élasticité, s’élança d’un bond sur la poitrine de sa maîtresse, et avant qu’elle ait eu la pensée de se garantir, il lui sauta à la figure, lui plantant ses quatre pattes armées d’ongles puissants dans les seins, ses crocs dans la gorge