Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/47

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singulièrement profond. Les angéliques, immobiles, dans la tiédeur de cette après-midi de printemps, semblaient se faire les complices d’un mystère. Elles avaient un aspect si impénétrable, des feuilles si enveloppantes et un arome si étourdissant, qu’on les eût prises pour de grandes dames sournoises étalant leurs jupons sur une chose qu’on ne doit pas voir…

Laure tenait le garçonnet serré contre elle. Ils se regardaient, les prunelles noyées d’une langueur, la peau moite et les lèvres sèches. Leur gosier ne pouvait plus formuler de sons humains, ils avaient des grognements de bêtes qui se flairent et se reconnaissent. Marcou résistait, au début de ce nouveau jeu ; il riait, se débattait, n’osait pas lui livrer sa peau nue, bien qu’il fût baigné de frais. Il ne s’abandonna que parce qu’elle l’embrassa très tendrement dans la poitrine, à la place où il avait des petites taches de sein comme elle-même, ce qu’elle lui prouva en écartant sa chemisette. Ils se frottèrent, museau à museau, cœur à cœur, sachant qu’ils faisaient mal, le garçon craignant éperdument l’irruption des parents ou de la bonne, et la fille ayant peur pour le plaisir d’avoir peur, de se bien persuader qu’elle commettait des actions défendues. Ils ignoraient le nom de ce jeu, ne se demandaient pas du tout pourquoi ils y jouaient. Ce besoin de se frotter leur était poussé comme un appétit subit de fruit vert. Ils se savouraient l’un l’autre avec des dents irritées, la salive plus rare,