Page:Rachilde - L’Homme roux, suivi de La Fille de neige, 1888.djvu/143

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Le soir eut une teinte moins triste. On causa à dîner ; je remarquai que James était plus prévenant pour sa jeune femme. Je m’applaudis de la course en voiture. On fit de la musique après dîner. Je jouai, avec Madge, un morceau à quatre mains qu’elle savait bien, le seul, du reste, qu’elle sût parfaitement. James, contre mon attente, s’anima en nous écoutant. J’avais une glace devant moi ; je voyais que cet être si brutal dans tous ses goûts comprenait, écoutait la musique !… Cela me fit espérer pour l’avenir. J’espérai, rien qu’en le voyant prêter l’oreille en amateur, qu’un jour la vie élégante qui allait être sienne atténuerait, petit à petit, la grossièreté de ses allures ! J’oubliais, malheureusement, qu’il y a, dans les forêts, certaines bêtes fauves que la musique trouve sensibles, mais qui ne perdent point, pour cela, leurs sauvages appétits.

Avant de nous retirer dans nos appartements, nous nous serrâmes tous la main en nous adressant, chacun, des vœux de bon avenir. James me pressa légèrement le bout des doigts ; ses yeux tombèrent sur mes vilains