Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/180

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si gentil, si beau, notre petit, je vais me jeter par la croisée… Bon Dieu de malheur ! Mademoiselle, on me fera fusiller !…

Elle courait autour de la pièce, se tordant les mains, déchirant son tablier, se frappant les tempes contre les meubles.

Tulotte se précipita dans le corridor, tandis que Mary, haussant imperceptiblement les épaules, descendait aux appartements de son père.

Le colonel était déjà loin. On avait sellé son cheval vers neuf heures et il galopait.

Toute la maison fut bientôt à l’envers, les femmes sanglotaient, les ordonnances, les bras ballants, considéraient la nourrice qui, debout sur la galerie, voulait se jeter en bas.

Estelle rugissait qu’on était damné pour l’éternité, et, ses anciennes dévotions de Dôle lui remontant au cerveau, elle appelait des saints complètement inconnus à son aide, elle voyait l’enfer, sa kyrielle de démons, ses flammes.

Tulotte atterrée ne pouvait plus prononcer un mot, des larmes ruisselaient de ses yeux bistrés comme un ruisseau, et, d’un mouvement machinal, elle berçait le petit cadavre sur ses genoux.

Madame Corcette tomba au milieu de cette folie et se trouva mal. Il fallut l’emporter au grand air, la frotter de vinaigre. Mary, l’air calme, et cependant fort pâle, demandait doucement « ce qu’il y avait ? » Un des ordonnances eut enfin la pensée de faire venir un médecin des environs ; on attela le break,