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Le régiment fut envoyé dans l’Yonne, à Joigny, une joyeuse cité bourguignonne où l’on avait le vin français, disait-on.

Joigny grimpe sur le dos des collines avec la gaminerie d’une ville qui a la ferme intention de montrer la vigueur de son sang, elle a des rues en escaliers, des places posées de travers, une église titubante et les vignes, tout aux environs, s’accrochent comme des guirlandes qu’un coup de vent pourrait bien enlever.

Les vignerons, une hotte sur les épaules, vont chercher en bas la terre qui croule d’en haut et, philosophiquement, une cigarette aux dents, la remontent. Ça dure depuis des siècles, l’escalade du gai travail sur des rochers sauvages qu’on recouvre de plantations miraculeuses.

La population a la riposte très leste, les hommes ne craignent pas d’en venir aux mains tout de suite, et les filles, assez hautes en couleurs, ne pensent pas qu’un baiser soit chose défendue.

Le 8e hussards se détendit les nerfs. Le quartier était bien placé en face d’une rivière charmante et d’une promenade sous les arbres de laquelle il fait nuit en plein jour. Les logements se louaient pour presque rien, le colonel eut une maison face à la promenade moyennant 400 fr. de loyer annuel. Messieurs les officiers mariés se dispersèrent dans de clairs faubourgs où les écuries étaient de petits palais, et deux semaines après une installation des plus bruyantes, car les écoliers de la ville avaient