Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/291

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vous plus froide qu’en cette minute que j’espérais si délicieuse ?

— Attendez, Monsieur, je voulais vous demander une grâce, moi qui raisonne durement parce que les réalités de la vie me sont familières. Je sais ce que je vaux, voilà pourquoi je ne m’attarde point à caqueter avec vous avant le pacte. Louis, je suis décidée à ne pas vous donner d’héritier, et, comme il faut être deux pour ces sortes de décisions…

— Mary, vous êtes ou un monstre ou une petite fille de mauvaise humeur. Cessez cette plaisanterie, elle est cruelle ! dit le baron devenu livide, redoutant de deviner des choses atroces.

— Répondez-moi, Louis, car je ne veux ni enlaidir ni souffrir. De plus, je suis assez, en étant, et si je pouvais finir le monde avec moi, je le finirais.

En prononçant ces paroles, elle avait reculé jetant le voile derrière elle, splendide, les yeux ardents, le sourire féroce, grandie d’une implacable haine de l’humanité.

Louis, épouvanté, mais cherchant à retrouver son aplomb de viveur mondain, se mit à rire du bout des lèvres.

— Exquise, vraiment, cette chère doctoresse, qui sait tout ; est-ce votre saltimbanque ou votre oncle qui vous a appris ce dilemme nuptial ? Elle est charmante. Pas d’enfant, Monsieur, sinon je me précipite par la fenêtre.

D’un mouvement brutal, il voulut la saisir, mais elle se dégagea et, lui montrant le lit :