Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/390

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ainsi que les bêtes de carnage les mieux portantes ; elle mangeait modérément, buvait de même, adorait les bains glacés qui détendent les muscles et garantissent des humeurs. Son être d’une chair incorruptible passait au milieu des hystéries de son temps comme la salamandre au milieu des flammes ; elle vivait des nerfs des autres plus encore que des siens propres, suçant les cerveaux de tous avec la volupté d’un cerveau qui sait analyser à une fibre près la valeur de leurs infamies, et avoue sincèrement qu’il regrette ses cruautés parce que beaucoup de ses mets sont d’un goût douteux. Elle se serait trouvée sur un trône qu’elle aurait fait de bonnes choses, mais rouler en atome parmi tous les atomes de ce pays gangréné ne lui paraissait pas une mission… Elle se contentait de jouir du spectacle, cherchant la satisfaction de ses désirs de femme féroce sans s’inquiéter de la fin. La fin, elle s’en moquait, cela durerait toujours autant que M. Grévy, pour descendre à une plaisanterie banale, signe des temps de leur fameuse décadence. Homme, elle aurait rêvé de politique ; femme, elle était trop habile et trop distinguée pour jouer un rôle absurde. Les petites guerres enrubannées que l’on danse après souper chez certaine grande républicaine, dont le but est de faire gagner un sou à celle qui tourne l’orgue de Barbarie, lui répugnaient, et les bourgeois tenant pour un roi l’égayaient. Quant aux créatures espionnantes, cadeau de la Prusse, contrefaçon française des duchesses allemandes, elle ne comprenait pas