Page:Rachilde - Le Démon de l’absurde, 1894.djvu/155

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déjà tout tracé. Je creuserais une fosse que je recouvrirais de divers branchages, selon le système des trappeurs américains, et lorsque la bête rôderait, durant ses retours diurnes ou nocturnes, elle ne manquerait pas de se laisser choir en plein trou. Ensuite, nous verrions à lui faire vomir les dés d’argent, les râteaux, les canifs et autre nourriture indigeste dont elle avait la déplorable coutume de s’engraisser. Je creusai donc une fosse assez profonde, du côté du dernier buis ; je la couvris de mottes de gazon et de brindilles vertes. La terre enlevée fut dispersée aux quatre coins du jardin. À la nuit close, j’achevai mon ténébreux travail, en faisant semblant de guetter des oiseaux pour donner le change à mes parents, car je redoutais leurs plaisanteries ou leurs défenses. Tant que le soleil avait lui, j’avais chanté à tue-tête, très heureux de ma chevaleresque idée, formant les projets les plus téméraires, plein de mépris vis-à-vis du revenant, qui, après