Page:Rachilde - Le Dessous, 1904.djvu/121

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discussion âpre entre les jardiniers en chef et la presse agricole, qui avait entrepris une campagne ridicule contre les salades nouvelles manières. Pourquoi n’arriverait-on pas à aseptiser les salades ? Les ennemis n’étaient pas immortels et on pouvait, en dosant habilement les matières chimiques, tuer dans l’œuf tous les parasites redoutables. Il fallait savoir doser.

— La dose ! Tout est là ! s’écria le ministre, retrouvant sa voix de tribune avec ses vieilles études du quartier Latin.

Mélangeant agréablement d’anciennes histoires de clinique et des applications de chimie moderne, il fit le procès des infiniment petits, des microbes. Cela le conduisit jusqu’au dessert. Alors, il se leva, tendit son verre qu’on venait de lui remplir d’eau limpide :

— Dans cette eau, si scrupuleusement pure, la loupe nous révèle…

Les paysans, les ouvriers, les narines palpitantes, écoutaient au bas bout de la table. Il ne fallait donc plus ni manger ni boire ? L’eau pure qu’on promenait au-dessus de leur tête comme un diamant inaccessible leur lançait le défi de son ironique limpidité.

— Oui, messieurs et chers concitoyens, l’eau