Page:Rachilde - Le Dessous, 1904.djvu/193

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terie ! s’écriait-il quelquefois, scandalisé par ses questions extraordinaires. Pourtant, il l’initiait volontiers, supposant qu’il récolterait ce qu’il sèmerait, et il avait des remords, se sauvait quand le père, absolument aveugle, l’invitait à fumer, selon son expression favorite, le cigare du bourgeois. Elle risquait des théories charmantes qui le désarmaient, vernissaient d’attendrissement son regard trouble errant sur elle.

« Quand je vous embrasse, je suis votre femme, quand vous m’embrassez vous êtes mon mari, et quand nous nous embrassons nous ne sommes plus que deux enfants, deux petits amis de collège ! » Cela lui donnait des sensations étranges, car elle l’embrassait sur le front, lui la baisait furtivement sur l’oreille, et quand ils se pressaient l’un contre l’autre, les mains aux épaules et les yeux dans les yeux, ils restaient immobiles., sans souffle, ne parlant plus, saisis d’un vertige inexplicable qui les menait à l’extase.

— Penses-tu à moi la nuit ? demandait Fulbert, la tutoyant de loin en loin, brutalement, comme un qui cravache une bête fourbe.

— Je pense à vous quand je dors !

— Bien bizarre ! Et pourrait-on savoir la nuance de vos rêves, ma douce enfant ?