Page:Rachilde - Le Dessous, 1904.djvu/240

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d’agréable maintenant qu’elle ne le reverrait plus. C’était là l’enfer, ne plus le revoir. Il ne devait pas revenir à cause de l’abîme creusé non pas précisément entre elle et lui, mais entre son père et l’époux futur qu’il aurait pu devenir. Elle avait joué au petit jeu de main pigeon vole, et elle avait perdu un mari, l’unique mari qui l’aurait peut-être aimée pour elle-même, en dépit des dessous de Flachère et de sa fortune qui faisait reculer les prétendants soucieux d’étiquette. Elle n’avait jamais rêvé d’épouser qu’un roi riche ou pauvre. Elle désirait un sceptre, celui de l’élégance ou de l’horreur… Mais elle ne voulait pas du monsieur banal qui la laisserait par paresse ou bêtise croupir dans le fumier de sa fortune. Ah ! fuir, se sauver, sa robe de vierge sur la tête, rejoindre les loups, serait-on poursuivi par tous les chiens de garde, rejoindre les loups, mordue, couverte de plaies, pour hurler enfin avec eux, les punir ou en être définitivement dévorée.

Et, chose étrange, elle ne risquait pas un geste de liberté, ne sortait même plus pour des promenades au jardin, ne posait aucune question, ne poussait aucun soupir, tournait lentement dans sa cage de colombe blessée à mort