Page:Rachilde - Le Grand saigneur, 1922.djvu/18

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

plusieurs pastels, s’enfièvre dans son ouvrage, précipite ses coups de crayon, barbouille, du pouce, toute une partie de la figure, reconstruit l’autre, et enveloppe ce visage d’une intense fulguration pourpre et dorée, qui, de cet impassible masque de mondain déguisant son air brutal, révèle son insolence triomphante, et en fait une créature vraiment diabolique, mais vivante, menaçante, superbe : une œuvre d’art.

Elle est satisfaite. Malgré l’ombre, de plus en plus envahissante, elle ne veut contrôler son dessin que par l’épreuve du feu.

Lui, ne bouge pas, le l’égard tombé sur elle, de haut, parce qu’elle est plus petite que lui. Il voudrait bien que ce fût terminé. On le devine au supplice.

Elle, qu’il est forcé de contempler, comme un chien tiendrait l’arrêt devant une perdrix, c’est une rousse, mais sans les fameuses taches, de peau pâle, presque bleuâtre, tellement sa blancheur transparaît sur certaines veines. Elle a des yeux larges et gris, d’un gris givré, de fleurs de menthe, des sourcils d’un marron luisant, dont l’orbe semble fuir en coups de pinceau chinois pour aller rejoindre la masse des cheveux mal arrangés, couleur de cuivre rouge et qui, aux