Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/115

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lecture, lourd billot de chêne sans aucun ornement, les nonnes se trouvaient groupées debout, selon leur âge, sinon leur qualité. Les plus jeunes formaient un champ de lis, drument plantés, fronts tendus sous le voile de lin qui dissimulait leurs yeux brillants d’une curiosité naïve. Les plus vieilles, rangées contre les murs, gardaient la posture de femmes endormies, les paupières closes dans les plis des capuces ramenés jusqu’à leur bouche tremblant de temps à autre au marmonnement d’une invocation.

La lecture avait lieu dans la salle du réfectoire, où des esclaves femelles, dont les courtes tuniques, les cheveux entièrement rasés évoquaient* l’aspect de mâles chétifs, enlevaient encore les traces du repas de midi. Les voûtes étaient hautes ; trois larges ouvertures les éclairaient, donnant sur les forêts. Par là on voyait onduler une mer immense de verdure et resplendir l’azur du ciel d’une pureté infinie. Au milieu du silence qui planait, on pouvait entendre bruire les insectes, dehors, tandis qu’à l’intérieur résonnait la seule agitation de ce rouleau que la main anxieuse de l’abbesse cherchait à déplier.

Leubovère portait péniblement soixante années. Très épaisse, de membres trapus dénonçant une