Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/187

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— La croix fut tirée d’un arbre. Elle est plus ancienne que le Christ et c’est pour cela qu’elle l’a étouffé dans ses bras. Les hommes n’auraient pas pu le tuer puisqu’il était Dieu. Il fallait un ordre de la terre.

Ragna baissa le front, méditant. Il avait souvent pensé qu’Harog, ce petit pâtre trouvé sous un chêne, devait être un enfant de la nuit impure. Les mères barbares de ces temps de religion passionnée exposaient dans les bois les enfants conçus la nuit suivant le jour dominical. Quiconque forgeait une clé le jour du dimanche voyait sa dextre se contracter jusqu’à ce que les ongles en perçassent le dos. Et la femme ayant eu le malheur de concevoir aux époques prohibées n’hésitait pas, plus tard, à répudier le produit des coupables caresses pour lui épargner pire[1].

Ragna murmura, convaincu :

— Les enfants qui naissent de ces embrassements sont perclus ou lépreux ? Tu n’es pas malade, toi ?

— Je suis l’enfant d’une nuit du dimanche, veux-tu dire ? Eh bien ? Quand cela serait ? Un sorcier

  1. « Prenez garde, ô hommes, vous par qui sont scellés les derniers liens du mariage ; si des époux unissent leurs embrassements en ce jour (le dimanche) les enfants qui en naîtront seront ou perclus, ou épileptiques, ou lépreux. » — Miracles de saint Martin, IV.