Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/215

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leur âme, leur pauvre âme de gueux ! Ce sorcier pensait noblement qui comprenait que l’homme est l’égal de l’homme en présence de la peur de l’inconnu. Il les tiendrait plus sûrement s’il faisait semblant de n’être que l’ambassadeur de la ténébreuse puissance.

— Allons, fils de la terre, rugit Ragna, il faut passer, car le pain et le vin viennent de la terre qui peut vous manger tous…

Une idée de mort planait dans les parfums de cette nuit merveilleuse, une idée de mort presque douce, d’un repos tout pareil entre des mousses et des herbes fleuries. Il y avait là, soufflant de leur souffle inquiet, des chevaux, des chiens, aussi des bêtes endormies qu’on oubliait, des loups et des sangliers, des vipères… la lune se faisait claire, paisible, illuminant les arbres, dorant le front du petit berger pâle.

Ils jurèrent et, un à un, passèrent sous la Pierre, courbant leur tête alourdie par le vin.

L’Aveugle-né murmura dévotement :

— Je crois que tous les dieux sont jumeaux.

Boson-le-Boucher proféra des blasphèmes, invoquant Teutatès, que les autres ignoraient.

Brodulphe-l’Adultère serra les dents en disant la main ouverte :