Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/300

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nent l’âme, pourrissent le corps. N’écoutez pas les évêques, mes sœurs les princesses et vous mes frères les mendiants. Voici le temps du jugement : Que ceux qui sont sourds aux voix de la terre soient seuls jugés. Malheur à Leubovère l’avare, qui a mesuré le grain que la terre multiplie. Malheur à celle qui a chargé de chaînes les belles filles de la terre pour en faire ce que je suis… Regardez-moi !

Et, disant ces paroles frénétiques, la recluse écarta les haillons de son vêtement, leur exhibant son torse nu où saillaient ses côtes haletantes, prêtes à s’ouvrir pour leur cracher son cœur au visage, ce cœur jadis glacé, maintenant brûlant de haine.

Il y eut une clameur vengeresse de tous les parias mendiants ou criminels. Ces gens, plus naïfs que coupables, voyaient enfin se dresser la raison de leur lutte contre ce qui était la représentation du pouvoir divin. Elle était bien là, en squelette vivant, debout entre les joies de la terre, les basses joies que l’on sait définir et cette lumière d’or, trop infinie, trop impondérable pour arriver à les toucher dans leur chair, émouvoir leurs sens grossiers. Elle se montrait, ombre hurlante de tout ce qui fut une femme heureuse, revenante des extases célestes, fantôme développant son linceul afin de les effrayer,