Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/55

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— Basine, tais-toi, supplia le berger confondu. Dieu nous entend… et tu es si belle !

— Qu’on crève les regards de ceux qui m’ont vue !… Fais rougir ton couteau sur la braise… toi, le garçon courageux. Mais tu es moins que de la poussière.

Elle se balançait entre les barres de bois du chariot comme une bête en cage. Il songea éperdument à sa bouche meurtrie, à ses cuisses frêles blessées par le poids des lourds hommes d’armes et il eut, de nouveau, la vision atroce de son rêve, chez le roi, de ce rêve dont il avait honte.

Elle ondulait avec une légèreté de fantôme sous les plis de son linceul. Ses cheveux roux étaient toute l’ombre moirée d’or de la tiède nuit printanière, et ils étaient aussi les ailes de flammes du mauvais ange !

— Basine, au nom de la Sainte-Croix, que m’ordonnes-tu ? J’irai en enfer chercher tes ennemis… surtout le grand soldat ivre que tu as marqué de tes dents. Je le reconnaîtrai entre tous et t’apporterai sa tête…

— Tu n’es qu’un berger !

— Je suis fort quand je veux tuer, Basine.

— Es-tu fils de roi ?…

Il baissa le front.