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un cri d’agonie… il s’était dressé avec horreur voulant peut-être lui demander pardon de ce baiser volé, elle s’était sauvée, et il n’avait plus revu le fantôme.

Voilà que maintenant elle venait s’excuser la première, et lui rendait ce baiser, en plein jour, avec des lèvres qui le terrassaient.

— Nono, murmura Mlle Fayor, je suis bien coupable et j’ai peur de vous depuis longtemps, mais je ne vous dirai pas pourquoi, c’est impossible. Vous pouviez m’insulter, me punir cruellement, quand vous m’avez trouvée endormie à vos côtés… vous avez été bon et honnête… je ne vaux pas Lilie, je le sais… Ne parlons plus d’elle, car cela me fait mal. Je deviens assez folle pour en être jalouse… Laissons dormir vos chers petits secrets… et tenez… retournons au château, voulez-vous ? »

Elle avait le visage tellement altéré que Nono ferma les yeux.

— J’irai tout seul ! vous me disiez que dans mes lettres je devais écrire des choses contre vous… je vous les montrerai… il n’y a rien ! »

Elle hésita.

— Soit ! »

Et elle poussa de nouveau l’alezan.

— Tu vas te faire encore du chagrin ! » ajouta-t-elle avec une douceur maternelle.

Il rouvrit les yeux et s’aperçut qu’il avait encore le front dans le satin.

— Vous vous moquez de moi, murmura-t-il, saisi d’une frayeur naïve.