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nono

— Je sais… ton opinion sur nous, tu en reviendras… et gare aux excès.

— Mon opinion sur les autres !… toi tu es à part.

— Vraiment, je te remercie ! »

Elle acceptait maintenant sa bizarre nature et parlait avec gravité, retenant les folies qui lui passaient par l’esprit. Nono se frotta sur ses dentelles avec une câlinerie boudeuse.

— Est-ce que tu ne veux plus m’embrasser ? »

Renée pâlit.

— Causons, je le préfère. Ah ! çà, soyons francs, hein ? dit-elle avec une brusquerie de garçon. Tu n’as pas eu de maîtresse, c’est entendu, mais tu as aimé Lilie ! Qu’en voulais-tu faire ? Les collégiens n’ont pas de poupée, ce me semble.

— J’en voulais faire ma femme.

— Comment ? » dit Renée qui lança le mot plus vite qu’elle n’aurait voulu.

Nono se sentait confiant comme on peut l’être avec une mère du même âge que soi.

Il répondit très fier :

— Je ne sais pas, mais c’était mon intention. »

Renée, cette fois, partit d’un éclat de rire, de son rire sardonique, blessant, impitoyable, qui se perdait dans les notes aiguës.

— Oh ! c’est trop fort ! tu es divinement ridicule. On n’a pas ta mine passionnée quand on est aussi sot. L’intention ! ah ! l’intention… il est adorable ! tu crois que cela suffit ?