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nono

— Tu rentreras ici à une condition, mon grand enfant… c’est que… »

Nono releva ses yeux qui étincelèrent.

— C’est que je ne t’embrasserai pas comme tu m’as embrassée tantôt !

— Je t’obéirai, car je t’adore plus que je t’aime ! Adieu, ma Renée… il te faut dormir ou tu tomberas malade !…

Et il se sauva après avoir respectueusement effleuré le bout de ses doigts. Il était parti depuis longtemps que Renée, immobile, tâchait de saisir encore le bruit étouffé de ses pas !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

— C’est donc une réalité ! songeait Renée Fayor… Un enfant ! Et il m’est interdit d’en faire un homme. »

Interdit ! pourquoi ? Ne peut-on s’essayer à toutes les hontes, quand on est déjà dégradé ? Une mystérieuse chaîne relie les crimes commis aux crimes à commettre et les rapproche doucement les uns des autres.

Elle se regarda au grand miroir se balançant à travers l’atmosphère lumineuse de sa chambre. Une femme se regarde toujours avant de se laisser aller aux crises solennelles de sa vie. Renée s’aperçut que sa beauté, son orgueilleuse beauté, ne valait peut être pas un seul sourire de cet enfant qui venait de partir, que ses yeux ne savaient pas pleurer comme les siens, et que le charme des yeux est quelquefois tout entier dans une larme sincère. De souvenir elle comparait ses cheveux à elle à ses cheveux à lui ; elle trouva que les