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peu doux. Le nez, aristocratique, avait les ailes transparentes. On n’aurait pu dire s’il était bien fait, mais son irréprochable élégance, le bout étroit de ses pieds, l’épiderme de ses mains indiquaient une grande pureté de race. Il plaisait, surtout parce qu’on avait dû l’aimer, et que les passions passées donnent un certain vernis à un homme. De plus, il avait l’abord souffrant, nerveux, dégoûté, et il souffrait, s’énervait, se dégoûtait d’une façon si distinguée qu’il en devenait sympathique.

— Qui êtes-vous ? demanda froidement Renée, n’oubliant jamais sa fierté devant les étrangers.

— Un promeneur quelconque, Mademoiselle, et ce promeneur quelconque va être obligé de vous présenter M. le duc Edmond de Pluncey. »

Mlle Fayor, malgré son habitude du monde, ne put s’empêcher de rougir.

— Croyez, Monsieur…

— Mademoiselle, je n’ai pas besoin de croire, je vois. »

Il voyait, en effet qu’elle achevait de rattacher son amazone et qu’elle était émue, beaucoup de la mort affreuse de son cheval, moins de la rencontre d’un duc dans un bois sauvage.

— Je vous ai trouvée évanouie sur cette berge, reprit-il pour lui éviter des questions ; je ne me suis pas inquiété du cheval, j’ai eu tort. Vous voilà remise ; où dois-je vous reconduire ? »

Cela était dit avec une exquise politesse, d’un accent ironique sans cependant être dur.

— Je suis seule, je demeure très loin », répondit