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assurés. Bell rampait, la queue frétillante. On s’éloignait du drame et en proie à une lassitude lâche, la jeune fille écoutait.

— Il a voulu vous étrangler ? fit-elle machinalement.

— Mon Dieu ! c’est sa manière de parler. Le Conseil était d’ailleurs à huis clos, je l’ai su — n’allez pas me trahir — par le président ; monsieur votre père doit l’ignorer.

— Je connais mon père… il sera heureux de se réconcilier et de vous remercier lui-même.

— Non, mademoiselle, la politique me défend de rendre visite à mes adversaires… Ce serait toute une histoire dans le pays… Ensuite, vous êtes hors de danger, et c’est la question importante. Songez que j’allais lui envoyer des témoins hier.

— Et aujourd’hui ?

— Aujourd’hui, Mademoiselle, je vous dois trop pour que la personne de monsieur votre père ne me soit pas aussi sacrée que la vôtre. »

Et il s’inclina gracieusement.

— Alors, je viens de faire une bonne action ? murmura Renée.

— Je ne sais, Mademoiselle. Étant excellent tireur, à ce qu’on dit, je me serais laissé tuer.

— Comment ?

— Sans doute. J’aurais su avant le duel que le général Fayor, le Sabreur, avait une fille, et comme je n’en ai pas, je me serais contenté de parer tout le temps. »

Renée sourit franchement, cette fois, et en levant