Page:Rachilde - Nono, 1885.djvu/190

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— Regarde donc ! dit-il à mi-voix, un bijou qui s’est égaré… très loin… ôte-le !

Il n’avait jamais vu de signe sur le corps d’une femme, Nono, et son erreur était le plus doux compliment qui puisse être fait à une maîtresse.

— Un bijou vrai… Nono ! » répondit-elle en rougissant dans le désordre de ses cheveux.

Le canapé était près de la fenêtre donnant sur la roche. C’était adossée à son crime que Renée recevait les baisers de Bruno Maldas.

— Tu m’épouvantes ! » fit-il n’osant pas toucher de ses lèvres le signe noir.

Mlle Fayor, renversée dans les coussins, les bras arrondis, les paupières fermées, ne bougeait plus. Elle jouissait de ces stupeurs naïves et suivait les effets du poison amoureux comme, jadis, les belles courtisanes de Rome aimaient à suivre la lutte d’un fauve contre un homme désarmé. Il y a toujours, endormi dans le repli secret d’une âme féminine, un instinct féroce qui est là pour rappeler aux victimes martyrisées qu’Ève a pactisé avec les serpents, ces seules créatures capables de broyer les lions.

— Je suis ivre… et je voudrais me sauver ! » murmura le vierge agonisant de bonheur.

Il régnait un demi-jour perpétuel sous la coupole de la salle, mais, en dehors, un soleil resplendissant inondait le jardin, et le vol d’un oiseau, le passage d’un insecte suffisait pour projeter une silhouette plus opaque le long des vitraux couleur d’améthyste. Renée, à travers ses cils baissés, vit d’abord deux