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tout mon être. C’est là une quatrième raison que je n’oserais vous dire, j’en suis sûre, si je la savais… et… quand j’ai entendu votre voix répondant à ce secrétaire, j’ai bondi, prise d’une peur inexplicable… car, je vous attendais, ah !… pas ici… pas comme je vous vois… mais… mentalement. Eh bien, monsieur le duc, c’est trop, beaucoup trop !… Vous me cherchez, je vous reçois…, malgré ma peur… Je ne vous cache pas mes larmes… Comprenez-vous enfin… je crois que je vais vous aimer… L’amour doit ressembler à ce que j’éprouve ! »

Elle parlait ployée sur elle-même, ses petites mains crispées sur son mouchoir. Sa voix, adorablement nuancée, n’avait rien d’hésitant. Elle paraissait dire ce qu’elle se répétait souvent, comme les jeunes amoureuses qui préparent leur aveu afin de ne pas perdre de temps dans une courte entrevue. Cette hardiesse de langage avait une sorte de pudeur car elle baissait le front tout d’un coup au bout d’une phrase, en continuant plus bas. Un frisson la secouait, un frisson vrai, plein d’une fièvre inassouvie.

Elle avait prononcé : ce secrétaire, avec un tel dédain qu’on le devinait bien un comparse pour elle, dans la scène qui l’avait fait bondir.

Les systèmes séducteurs de M. de Pluncey étaient complètement mis en déroute. Il avait compté sur un mois de haute lutte et cette heure lui livrait Mlle Fayor sans qu’il eût besoin de l’étudier.

Cela pouvait être une honnête enfant ou une épou-