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de lui. Aussi tenait-elle du garçon, ayant de l’impudence, des propos hardis, et pourtant une certaine allure froide au milieu de ces libertés, qui forçait son entourage à être respectueux.

Sa mère, d’une grande famille du Nord émigrée vers le Midi, l’avait faite aristocrate jusqu’au bout de ses ongles soigneusement polis chaque matin. Mais son père, plébéien, languedocien arrivé par la force du sabre, lui avait mis dans les poignets une puissance toute virile dont elle était fière.

Renée passait ses hivers à Paris, où la société un peu mêlée du général, lui témoignait souvent de violents enthousiasmes. Le père aurait voulu marier promptement cette créature encombrante ; sa dot colossale lui assurait de beaux partis, seulement il fallait pour cela le consentement de Mlle Fayor, et ce consentement faisait toujours défaut.

Depuis la guerre de 70, c’est-à-dire depuis cinq ans, le général avait pris sa retraite. Il se partageait entre les surveillances paternelles et les surveillances de Tourtoiranne, un château au moins aussi encombrant qu’une jolie fille.

Il était revenu de Paris avec elle, il y avait un mois à peine, et déjà se manifestaient des caprices fabuleux, dignes d’une impératrice romaine.

Une aurore, Mlle Renée s’était levée pour jouir du premier rayon printanier. En ouvrant sa fenêtre, elle avait promené un regard d’aiglonne sur ce doux panorama de campagne où n’existait qu’un point ombré, là bas, tout au fond. Ces rochers aux mysté-