Page:Rachilde - Nono, 1885.djvu/258

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
250
nono

Maintenant, il doutait presque d’avoir possédé Renée… il doutait qu’elle ait eu jamais d’autre amant !…

Il était bien certain que l’indépendance de Mlle Fayor avait encore toute la virginité désirable !

On la connaissait à vingt lieues à la ronde… la fille du Sabreur… qui donc eût osé douter d’elle ?… Personne.

Et le duc fit l’immense faute de laisser répandre le bruit de son mariage avant d’avoir trouvé une raison polie. Le lendemain, les gens des deux maisons commentaient la chose. Il y eut une dispute au sujet de la corbeille entre Félix le palefrenier et le maître d’hôtel… tous les domestiques des Combasses donnèrent raison au maître d’hôtel de sorte que Félix, un peu chatouilleux de sa nature, fit son paquet, et partit, sans réclamer ses gages, imitant dans sa fuite le secrétaire du général.

Le duc eût bientôt tracé un plan fort simple : elle l’aimerait, coûte que coûte, puis il romprait avec éclat au dernier moment.

Il mit en pratique ses meilleures théories Don Juanesques : froideur hautaine, esprit d’opposition, persiflage mordant, désinvolture insouciante, méchancetés calculées. Mais, malgré tout, perçait l’amour, l’amour impitoyable qui dosait d’une tendresse navrée chaque artifice obtenu à grand renfort de nerfs. Renée redevint pour lui ce qu’elle était pour tous : capricieuse, dure, emportée, glaciale, en un mot désespérante.

Cependant Bruno n’était pas de retour. Sa mère et