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Tout d’un coup, un des petits le tire par le bras : — Monsieur…, une lettre pour vous ! » Bruno se pencha et reconnut la grosse écriture tremblée de sa mère. Dès les premiers mots, il poussa un cri sourd. C’est que dès le début sa mère lui racontait l’horrible histoire des 2, 000 francs donnés pour lui éviter une accusation effrayante.

— Moi, moi !… assassin !… » hurla Bruno Maldas froissant la lettre dans ses mains égarées, et, brusquement, comme si une clarté intense l’avait aveuglé, il tomba évanoui du haut de la chaire…

Réellement, Mlle Fayor avait épousé le duc de Pluncey. Les élections étaient finies et, selon la coutume, un candidat inattendu avait réussi, c’était le républicain obscur. Ni le duc, ni le général !… Alors les deux antagonistes n’entretenaient plus le pays que du bruit de leur union, scellée par un mariage splendide. Cela fit tapage à Tourtoiranne, et Montpellier même en fut remué.

Le général avait résolu de se venger par une orgie de folles dépenses. D’ailleurs, il n’en voulait plus à son duc, il acceptait ses boutades de grand seigneur qui lui permettaient de répliquer en sacrant comme un païen, et il affectait de le mener tambour battant.

Non seulement le duc n’avait pas trouvé de raison polie, mais encore il était devenu amoureux dans toutes les règles que tolère la bonne société ! Un mois avait suffi pour le jeter pantelant aux pieds de la farouche fille du Sabreur.

Un soir, il s’était glissé jusqu’à la chambre bleu-