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Dans une de ces désespérances soudaines qui arrivent quelquefois aux enfants incompris, il rêvait d’être là-dessous, sans secrétariat possible, ayant pour lit éternel la fraîcheur de ce sable fin et vierge.

L’architecte fut étonné. Il ne le croyait pas capable d’une réflexion poétique.

Renée tapait du pied :

— Oui, il faudra creuser ; demain, ou plutôt de suite.

— Mademoiselle, c’est difficile, je n’ai pas les outils nécessaires, demain on s’y mettra, sans faute.

— Très bien ! À présent, allons déjeuner et vérifions ce plan. »

Bruno tendit l’épure qu’il avait été chercher. Elle était semée de drapeaux, comme un plan de bataille.

Renée se mit à rire. Elle prit le bras de l’architecte qui maugréait, pendant que Bruno s’emparait du collier de miss Bell. L’épagneule ne lâcha point sa bride, et le secrétaire, plus les deux bêtes, se gourmant réciproquement rentrèrent à Tourtoiranne.

Arrivée au château, Renée monta chez elle pour changer de costume et décacheter son courrier.

Mlle Fayor avait une chambre fort intéressante pour les observateurs qui jugent l’oiseau par sa cage, quand cet oiseau est une femme. La fenêtre donnait sur un massif de verveines toujours entretenues avec soin, au-dessus duquel s’avançait l’appui sculpté où la jeune fille venait souvent s’accouder pour inspecter l’horizon. Du temps dépendait son humeur, et bien des nuages en passant obscurcissaient