Page:Rachilde - Nono, 1885.djvu/276

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
268
nono

vraiment, elle descendait bien du Sabreur. Quelques femmes revenues de leurs syncopes s’enhardissaient.

— Comment, murmura-t-on, il n’en faut pas plus pour arrêter un homme !

— Où est donc le mandat d’amener ? qui peut le montrer ici ? interrogea le général perplexe.

— Les gendarmes, parbleu ! dit le maire de Gana qui aurait désiré en finir au plus vite.

— Qu’on fasse monter les gendarmes ! » lança quelqu’un voulant achever la valse commencée.

Mais la duchesse saisit le bras de son père et le serrant avec une frénésie communicative.

— Père, tu es chez toi, dit-elle. Ta force a toujours été acquise au plus faible. Un homme exténué, en sang, n’ayant que le souffle, est à tes pieds, tu ne peux pas lui reprocher la moindre faute. Il est pauvre, il est seul. Le livreras-tu, toi le général Fayor, l’un des héros de Gravelotte ?… »

Un frémissement sympathique parcourut l’assemblée ! Ah ! la merveilleuse fille et comme elle savait bien employer les inflexions voulues !… Le Sabreur devint cramoisi…

— Mille sabretaches de tonnerre ! Tu as raison ! On l’arrêtera au diable, mais pas chez moi ! C’est un fils du pays, après tout ! Eh bien, messieurs, je le protégerai, mille milliards de canons ! je le protège ! »

Cela tournait fort mal. Les officiers approuvèrent. D’abord ils n’étaient pas au courant et ensuite un assassin ce n’est pas un voleur. On peut le protéger