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telles et semblait sortir d’une nuée ; c’était Mme Fayor. Les tentures des murailles, en taffetas bleu pâle, s’encadraient de baguettes de velours avec des torsades de soies, nuancées. Puis, erraient sur le parquet lamé, des fauteuils bas capitonnés, un pouff, une fumeuse tout en velours avec des médaillons peints de sujets mythologiques. Une grande glace mobile allait et venait selon le caprice de qui la poussait.

Un cabinet de toilette tout tendu de bleu pâle, attenait à la chambre.

À Paris, où le général avait un hôtel avenue d’Eylau, la chambre de Renée était d’un rouge vif, meublée de chinoiseries les plus futiles. Cette différence notoire avait toujours prouvé au père qu’il y avait aberration dans les goûts de sa fille.

La chambre de Tourtoiranne possédait aussi une petite panoplie sur laquelle se croisaient des armes ravissantes ; mais le christ d’ivoire, le christ traditionnel des femmes du monde qu’elles posent dans un ovale de peluche soyeuse, comme pour amortir la pointe aiguë des clous enfoncés, ce christ n’était appendu nulle part. Au fond de la ruelle du grand lit veillait seulement un amour de marbre noir tenant d’une main une lampe-veilleuse pour la lecture, et de l’autre un arc roulé, amour-Diogène semblant guetter un homme afin de le frapper irrévocablement.

Renée s’oublia si bien chez elle que Louise, sa femme de chambre fut obligée d’aller heurter à sa porte. La jeune fille descendit dans la grande salle à manger où le général querellait Bruno en atten-