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nuit à Tourtoiranne ? continua le juge passant outre.

— Non, je ne le sais pas ! »

Une angoisse pesait sur Nono. Sa nature, très simple, très droite, était incapable de lutter contre qui que ce fût en parole. Sa langue s’embarrassait, ses idées s’obscurcissaient et il n’avait plus qu’à se taire. Ce n’était pas un garçon à tirades bien qu’il eût écrit des discours. Il courba la tête.

— Monsieur, fit-il, des larmes dans la voix, je ne comprends pas pourquoi on me croit coupable et pourquoi vous le croyez vous-même, malgré ce que vous me disiez de bienveillant tout à l’heure. On s’est occupé beaucoup trop de moi pendant que je ne pensais pas au malheur qui me menaçait. Je suis resté à Lodève ne me cachant pas, j’ai donné mon vrai nom et quand je suis revenu, je suis allé chez le général Fayor pour qu’il vît bien que je ne voulais pas lui dissimuler ma conduite. Je n’ai pas pris le chemin de fer en partant, parce que j’avais si peu d’argent que je n’aurais pas pu manger en attendant une position. Je n’ai jamais fait de peine à personne ; on m’en a fait beaucoup, mais ce n’est pas une raison pour m’accuser d’assassinat. »

Après avoir échangé quelques mots avec Jarbet, le juge présenta une photographie de Barthelme à Bruno.

— Je le reconnais, dit celui-ci et il eut un petit mouvement de répulsion car il avait été affreusement jaloux de la victime.

— Vous savez que Barthelme a demandé votre