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de vous savoir en prison. Il regrette de ne pouvoir vous être tout de suite utile, mais il parlera au procureur. Il pense que l’erreur se dissipera et qu’à la découverte du cadavre, s’il y en a un, vous serez relâché sans que votre réputation souffre aucune atteinte. »

Nono, moins joyeux, écoutait ces paroles froides, ce n’était pas là un message de la duchesse.

Il posa la carte sur la table de bois blanc et répondit, tremblant de honte :

— Remerciez M. le duc, je pense n’avoir besoin de personne. »

Largess, avant de sortir, fit mine de reprendre cette carte dont le vélin satiné devait, à son avis, souffrir du grossier contact d’une table de prison ; mais elle était trop loin pour qu’il lui fut possible d’accomplir une telle impolitesse sans affectation. Il sortit donc en fronçant son étroit visage dégoûté.

— Eh bien, soupira Mme Maldas, voilà qui n’est pas fait !

— Elle n’a rien dit, elle ! balbutia Nono navré. Puis, il reprit, le regard sombre, poursuivi par une idée fixe.

— Oh ! si elle était sa femme… sa vraie femme !

— Et que veux-tu qu’il en fasse, mon Dieu ! fit la paysanne s’emportant, va-t-il la regarder comme une sainte vierge ? Tu es trop simple, mon garçon, tu n’entends rien aux choses du monde !

— Elle peut ce qu’elle veut ! »

Mais l’ironique politesse de duc insulté lui cuisait jusqu’aux chairs vives.