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écrit derrière cette carte. Voulez-vous que je recommence ? … dit-elle d’une voix plus faible.

— Vous avez toutes les audaces, je l’ai appris à mes dépens !… vous ne récrirez pas… voilà qui est sûr, madame !…

— Edmond, l’insulte de Bruno ne signifie rien en comparaison de la mienne. Soyez généreux. Dans un mois, des milliers de gens sauront, s’ils ne le savent pas déjà, qu’un Bruno est jaloux d’un duc de Pluncey. Il ne faut pas qu’on puisse supposer cela venez le voir avec moi ! »

Le duc pris de vertige arpentait sa chambre. Il avait à sa portée un joli petit pistolet tout armé et il eut envie de se faire justice lui-même. Il dit, les dents serrées :

— Le comte de Sartis m’a demandé, ce matin, pendant la chasse, ce que signifiait ce verre brisé. J’ai répondu par l’explication d’un accès de délire. Ma générosité ne peut dépasser cela. Duchesse, retirez-vous, je vous en conjure. Il ne faudrait qu’une fatalité pour que ce jouet que vous apercevez sur ce meuble partît tout seul. »

Elle eut un tressaillement.

— Duc, vous m’avez sauvée une fois ; je vous appartiens aujourd’hui corps et âme, disposez de moi. »

Elle s’agenouilla au milieu de la chambre, le front renversé, les yeux fermés. Maintenant, elle se souciait peu de la vie ou de la mort, puisqu’elle ne pouvait plus agir en faveur de Bruno. À quoi bon se tuer, à quoi bon vivre ? Le duc la contempla un moment si-