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Celui-ci sortit de ses gonds ; il mit simplement ses mains larges sur les doigts nerveux du général et le força à plier les phalanges.

— Comment ? vous osez me toucher, monsieur ! s’écria le général, pensant toujours au maire ; alors je le gifle, tu comprends ! Une, deux, et nous nous battons !

Bruno reçut le soufflet en pleine joue. Il se sauva, pris d’une peur affreuse de rendre la gifle. Puis, une fois dans sa modeste chambre des combles de Tourtoiranne, il éclata en sanglots.

Décidément, Bruno ne pouvait plus y tenir.

Le général, voyant que son secrétaire ne descendait pas pour dîner, espéra se rattraper sur sa fille. Mais Renée se fit excuser. Il n’avait plus qu’une ressource, casser la vaisselle, et tous les compotiers volèrent en morceaux.

Le sommeil descend quelquefois dans les cabanons des fous ; à onze heures, Tourtoiranne paraissait dormir.

Sur un parc de rosiers nains donnait une porte de service très étroite, qu’on ouvrait rarement. À cette porte aboutissait un escalier tournant, comme il s’en voit dans les vieilles demeures ; cet escalier grimpait jusqu’à l’antichambre de Renée.

Vers onze heures, une femme, vêtue d’une robe blanche, une mantille de laine floconneuse sur son corsage de velours, se glissa par cette porte entrebâillée. Elle releva sa jupe traînante pour poser plus à l’aise ses pieds chaussés de satin, et elle écouta, la bouche sérieuse, le pli de son front très accusé. Rien