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rer un peu la justice en attendant la vérité. Il prétend avoir écrit une lettre au moment du crime. Et cette lettre était adressée à…

— Amélie Névasson, mariée aujourd’hui ! Je le sais, il faut que je me la procure… et Renée noua les brides d’un chapeau, mit un châle. Partons, s’écria-t-elle, partons, je suis debout, encore… ; malheur à vous si vous voulez m’empêchez de passer… »

Elle tira de dessous le châle un tout petit revolver armé.

— Malheureuse ! rugit le duc, ose donc… et je ne pourrai plus le sauver…

Elle s’arrêta devant cette poitrine découverte.

— Que dites-vous ?

— Je dis que je le sauverai et que vous pouvez m’aider… »

Elle se rapprocha.

— Vous auriez cette justice !

— Oui ! car, seul, je le puis sans attirer l’attention des juges sur vous.

— Vous m’aideriez… je vous aiderais ?

— À une condition : simulez la folie… J’ai tout préparé, on vous croira. »

Renée réfléchit une seconde.

— Prouvez-moi votre sincérité en m’accompagnant.

— Songez, Renée, répliqua lentement le duc, qu’une lettre écrite par l’accusé ne sert à rien… »

Elle eut un sourire sinistre et ils restèrent l’un en face de l’autre, s’examinant jusqu’au plus profond de l’âme.