Page:Rachilde - Nono, 1885.djvu/56

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
48
nono

pas encore pondu ni l’un ni l’autre. Cache bien cette boîte, pour que ton général qui est si tracassou, ne la prenne pas. J’y ai mis aussi un vieux ruban qui a servi à suspendre la croix que je mets le dimanche pour aller à la messe, tu dois t’en souvenir, tu me l’as rattachée une fois.

» Tu te plains que je n’écris pas plus souvent. Je pense tellement à toi que je n’ai pas le temps de te le dire. Songe que nous allons changer de magasin. Nous quittons la rue des Trois-Couvents, pour aller rue du Peyrou. C’est bien plus beau et il y aura plus de monde. Depuis les derniers emprunts de papa, il ne tient guère en place à cause de moi. Il dit que j’ai des bêtises dans le cœur et que le mariage, c’est autre chose. Je ne réponds rien, mais je relis toutes tes lettres avant de me coucher. Je ne te serai jamais infidèle. D’ailleurs tu sais que nous nous sommes embrassés un soir, et cela nous liera éternellement l’un à l’autre. Je ne vais plus voir ta mère en cachette, car j’ai trop peur de papa. Je sais que ta petite sœur va mieux. On m’a acheté une jolie robe de taffetas avec des volants bordés d’une ancienne garniture de maman qui dit qu’à dix-huit ans on peut porter des dentelles. Quand donc serons-nous mariés, et quand auras-tu assez d’argent pour payer les malheureuses dettes de papa ? Oui, je reçois régulièrement tes longues lettres.

» Où donc as-tu trouvé ce beau papier vert pâle et blanc d’un seul côté ? Il est bien glacé… si tu en as beaucoup, envoie-m’en, et puis n’oublie pas mon col-