Page:Racine - Œuvres, t2, éd. Mesnard, 1865.djvu/387

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ACTE I, SCÈNE II. 375 SCENE II ANTIOCHUS, seul. Hé bien ! Antiochus, es-tu toujours le même ? Pourrai-je, sans trembler, lui dire : « Je vous aime ? » Mais quoi ? déjà je tremble, et mon cœur agité Craint autant ce moment que je l’ai souhaité. Bérénice autrefois m’ôta toute espérance ; Elle m’imposa même un éternel silence. Je me suis tu cinq ans, et jusques à ce jour 25 D’un voile d’amitié j’ai couvert mon amour. Dois-je croire qu’au rang où Titus la destine Elle m’écoute mieux que dans la Palestine ? Il l'épouse. Ai-je donc attendu ce moment Pour me venir encor déclarer son amant ? 3o Quel fruit me reviendra d’un aveu téméraire * ? Ah ! puisqu’il faut partir, partons sans lui déplaire. Relirons-nous, sortons ; et sans nous découvrir, Allons loin de ses yeux l’oublier, ou mourir. Hé quoi ? souffrir toujours un tourment qu’elle ignore ? Toujours verser des pleurs qu’il faut que je dévore ? Quoi ? même en la perdant redouter son courroux ? Belle reine, et pourquoi vous offenseriez-vous ? Viens-je vous demander que vous quittiez l’Empire ? Que vous m’aimiez ? Hélas ! je ne viens que vous dire 40 Qu’après m’être longtemps flatté que mon rival Trouveroit à ses vœux quelque obstacle fatal, Aujourd’hui qu’il peut tout, que votre hymen s’avance, Exemple infortuné d’une longue constance, l.F’ar. [Pour me xcnir enror <Ucl ;iier son amant ?] Ail ! puisqu’il faut partir, partons sans lui déplaire : Je me suis tu longtemps, je puis encor me taire. (1671-87}