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TRAGEDIE

Madame, & vous pouuez juſtement vous flatter
D’vne mort que les Grecs n’ont fait qu’executer.
Vous ſeule auez pouſſé les coups…

HERMIONNE.

Vous ſeule auez pouſſé les coups…Tay-toy, Perfide,
Et n’impute qu’à toy ton laſche Parricide.
Va faire chez tes Grecs admirer ta fureur,
Va, je la deſauouë, & tu me fais horreur.
Barbare qu’as-tu fait ? auec quelle furie
As-tu tranché le cours d’vne ſi belle vie ?
Auez-vous pû, Cruels, l’immoler aujourd’huy,
Sans que tout voſtre ſang ſe ſoûleuaſt pour luyi ?
Mais parle. De ſon sort qui t’a rendu l’arbitre ?
Pourquoy l’aſſaſſiner ? Qu’a-t-il fait ? À quel titre ?
Qui te l’a dit ?

ORESTE.

Qui te l’a dit ?Ô Dieux ! Quoy ne m’auez-vous pas
Vous-meſme, icy, tantoſt, ordonné ſon trépas ?

HERMIONNE.

Ah ! Falloit-il en croire vne Amante inſenſée ?
Ne deuois-tu pas lire au fond de ma penſée ?
Et ne voyois-tu pas, dans mes emportemens,
Que mon cœur démentoit ma bouche à tous momens ?
Quand je l’aurois voulu, falloit-il y ſouſcrire ?
N’as-tu pas dû cent fois te le faire redire,
Toy-meſme auant le coup me venir conſulter,
Y reuenir encore, ou plûtoſt m’éuiter ?
Que ne me laiſſois-tu le ſoin de ma vangeance ?
Qui t’ameine en des lieux, où l’on fuit ta preſence ?