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ANDROMAQVE
HERMIONNE.

Hé quoy ? Dans vos chagrins ſans raiſon affermy,
Vous croirez-vous toûjours, Seigneur, mon Ennemy ?
Quelle eſt cette rigueur tant de fois alleguée ?
I’ay paſſé dans l’Épire où j’eſtois reléguée.
Mon Pere l’ordonnoit. Mais qui ſçait ſi depuis,
Ie n’ay point en ſecret partagé vos ennuis ?
Penſez-vous auoir ſeul éprouué des allarmes ?
Que l’Épire iamais n’ait veû couler mes larmes ?
Enfin, qui vous a dit, que malgré mon deuoir,
Ie n’ay pas quelquefois ſouhaitté de vous voir ?

ORESTE.

Souhaitté de me voir ? Ah diuine Princeſſe…
Mais de grace, eſt-ce à moy que ce diſcours s’adreſſe ?
Ouurez les yeux. Songez qu’Oreſte eſt deuant vous,
Oreſte ſi long-temps l’objet de leur courroux.

HERMIONNE.

Oüy, c’eſt vous dont l’amour naiſſant auec leurs charmes,
Leur apprit le premier le pouuoir de leurs armes ;
Vous que mille vertus me forçoient d’eſtimer,
Vous que i’ay plaint, enfin que ie voudrois aimer.

ORESTE.

Ie vous entens. Tel eſt mon partage funeſte.
Le Cœur eſt pour Pyrrhus, & les vœux pour Oreſte.