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ANDROMAQVE

Ie les ay mépriſez ? Ah ! Qu’ils voudroient bien voir
Riual, comme moy, mépriſer leur pouuoir.

HERMIONNE.

Que m’importe, Seigneur, ſa haine, ou ſa tendreſſe
Allez contre vn Rebelle armer toute la Gréce.
Rapportez-luy le prix de ſa rebellion.
Qu’on faſſe de l’Épire vn ſecond Ilion.
Allez. Apres cela, direz-vous que ie l’aime ?

ORESTE.

Madame, faites plus, & venez-y vous-meſme.
Voulez-vous demeurer pour oſtage en ces lieux ?
Venez dans tous les cœurs faire parler vos yeux.
Faiſons de notre haine vne commune attaque.

HERMIONNE.

Mais, Seigneur, cependant s’il épouſe Andromaque ?

ORESTE.

Hé Madame !

HERMIONNE.

Hé Madame !.Songez quelle honte pour nous,
Si d’vne Phrygienne il deuenoit l’Eſpoux.

ORESTE.

Et vous le haïſſez ? Auoüez-le, Madame,
L’Amour n’eſt pas un feu qu’on renferme en vne ame.
Tout nous trahit, la voix, le ſilence, les yeux.
Et les feux mal couuerts n’en éclatent que mieux.